Vous présentez un recours devant la Cour des petites créances. On vous a informé que vous ne pouviez y être représenté par avocat et pourtant, la partie adverse est représentée par un avocat, employé de la compagnie. L’avocat peut-il représenter son employeur devant la Cour des petites créances?
LES FAITS
Une dame bénéficie d’une assurance collective émise par une compagnie d’assurance au bénéfice des employés de l’entreprise pour laquelle elle travaille. Elle réclame à cette compagnie d’assurance des prestations d’assurance salaire qui lui seraient dues pour une période d’absence au travail. Sa réclamation est d’abord de 27 000 $. Elle a ensuite réduit sa réclamation à 7 000 $ pour que sa cause puisse être entendue à la division des petites créances de la Cour du Québec. Elle se représente elle-même puisque la loi prévoit qu’un avocat n’est pas autorisé à représenter un individu devant ce tribunal. La compagnie d’assurance, quant à elle, est représentée par un de ses employés en charge des prestations aux assurés qui est aussi membre du Barreau. La dame se sent mal à l’aise du fait que son adversaire est avocat. Le Tribunal, avant même d’entendre la cause, doit décider de cette question préliminaire.
LE LITIGE
La compagnie d’assurance peut-elle être représentée par un employé qui est avocat? Le fait que cet employé n’occupe pas au sein de l’entreprise des fonctions reliées à sa formation d’avocat doit-il être considéré?
LA DÉCISION
La Cour refuse de reconnaître l’employé de la compagnie d’assurance à titre de représentant étant donné son statut d’avocat. Il lui est permis de désigner un autre représentant, soit l’un de ses dirigeants ou une autre personne à son seul service et liée à elle par un contrat de travail.
LES MOTIFS
La loi prévoit que les entreprises peuvent être représentées par un employé travaillant à leur seul service et lié à eux par un contrat de travail. Le Tribunal fait l’étude de la jurisprudence. Il cite certains jugements qui ont permis qu’un employé, aussi avocat, représente son employeur lorsque ce dernier n’exerçait pas essentiellement, pour l’entreprise, des tâches reliées à sa formation d’avocat. Il cite un autre courant jurisprudentiel qui milite plutôt pour que cette représentation ne soit pas permise. Le juge soulève plusieurs arguments l’amenant à retenir plutôt cette dernière approche. Il soulève le fondement même de la Cour des petites créances qui se veut un mode simple et accessible pour la gestion quotidienne des conflits. Il s’inquiète de créer un déséquilibre entre les parties, qui d’une part ne peuvent être représentées par avocat, et d’autre part pourraient l’être, dans le cas où une entreprise aurait les moyens financiers d’avoir à son emploi un avocat. Une partie pourrait même être dissuadée de se prévaloir de la procédure si elle sait que les intérêts de l’autre seront défendus par un avocat. Il écarte également l’approche à l’effet d’évaluer, au début de chaque audience, les tâches de l’employé afin d’évaluer dans quelle proportion il exerce des fonctions reliées à sa formation légale, parce qu’elle apporterait trop de lourdeur et des possibilités de remise, ce qui nuirait à la bonne administration de la justice.
Référence
Latreille c. L’Excellence compagnie d’assurance-vie, 2008 QCCQ 11395, Cour du Québec (Division des petites créances) 500-32-104619-079, 14 novembre 2008, juge : David L. Cameron (www.jugements.qc.ca).