Avec le vieillissement de la population et la durée de vie qui augmente, l’éventualité d’une maladie ou d’un accident demeure, malheureusement, une possibilité. Devrais-je faire un mandat dans l’éventualité de l’inaptitude? Et si mes facultés étaient affectées, pourrais-je toujours avoir un regard sur les décisions qui me concernent? Est-ce qu’on tiendra compte de mon degré d’inaptitude?LES FAITS
Madame est veuve depuis 2001. Elle a vendu certains immeubles au fil des années et a des économies et des placements substantiels.
En 2002, elle signe, chez un notaire, un mandat dans l’éventualité de l’inaptitude qui couvre tous ses biens ainsi que sa personne.
En 2003, son médecin traitant émet un diagnostic de maladie d’Alzheimer léger. En 2008, la Cour supérieure déclare que madame « a une incapacité partielle, importante et permanente qui risque de s’aggraver.»
LE LITIGE
Madame se pourvoit contre un jugement rendu en juin 2008 par la Cour supérieure, qui a homologué son mandat dans l’éventualité de l’inaptitude.
Puisque le juge de première instance avait conclu à l’inaptitude partielle de madame, pourrait-il homologuer le mandat qui s’appliquait au cas d’inaptitude totale ?
Le juge de première instance était-il justifié d’homologuer le mandat en raison de l’inaptitude partielle de madame et de l’absence de requête pour ouvrir un régime de protection?
LA DÉCISION
L’appel est accueilli, le jugement est infirmé et le dossier est retourné à la Cour supérieure afin de considérer l’ouverture d’un régime de protection.
LES MOTIFS
La Cour d’appel a examiné les deux courants de pensée s’opposant, tant dans la jurisprudence que dans la doctrine, quant à l’homologation d’un mandat dans l’éventualité d’une inaptitude partielle. Le premier courant estime que « si le degré d’inaptitude n’est pas proportionné à l’étendue des pouvoirs attribués par le mandat, le juge doit refuser l’homologation et doit prononcer l’ouverture d’un régime de protection.»
Le deuxième courant considère que le mandat doit être homologué dans sa totalité, sans avoir à évaluer le degré d’inaptitude, puisque le mandant lors de la signature du mandat était : « […] en mesure d’exprimer sa volonté de confier sa protection et l’administration de ses biens à qui elle voulait et avec quels pouvoirs ».
Ainsi, selon ce courant, le seul critère pour procéder à l’homologation d’un mandat est l’inaptitude, quelqu’en soit le dégré.
La Cour d’appel a cependant souscrit, dans le présent dossier, au premier courant étant d’avis que selon les circonstances, l’homologation du mandat dans l’éventualité de l’inaptitude était disproportionnée considérant l’incapacité réelle de la personne visée. La Cour d’appel a considéré que le juge de première instance a erré « en ne donnant pas suffisamment d’importance à la sauvegarde de l’autonomie de l’appelante. »
La Cour d’appel, sous la plume du juge Robert, s’est prononcée ainsi : « …je suis d’avis qu’un tribunal va à l’encontre de la volonté d’une personne en procédant à l’homologation d’un mandat en cas d’inaptitude contre le gré du mandant, lorsque cette volonté est lucidement exprimée et que les circonstances indiquent que l’homologation est disproportionnée vu une inaptitude partielle. Homologuer un mandat en cas d’inaptitude, en pareil cas, contrecarre le respect de l’autonomie résiduelle d’une personne. »
Référence
L.P. c. F.H., Cour d’appel (C.A.) Montréal 500-09-018783-084, 2009 QCCA 984, 19 mai 2009, juges : Robert, Pelletier et Hilton. (www.jugements.qc.ca)