Vous participez à un tournoi de golf et recevez une balle en plein front alors que vous vous apprêtez à jouer votre coup de départ au 11e trou. Le golfeur qui a frappé cette balle peut-il être condamné à vous indemniser pour vos dommages subis?
LES FAITS
En mai 1999, une dame participe à un tournoi de golf de type « Vegas » où quatre joueurs d’une même équipe avancent sur le parcours en prenant toujours la meilleure balle frappée par l’un d’eux. Au départ du trou numéro 11, la dame est atteinte en plein front par une balle frappée par un autre golfeur depuis le départ du trou numéro 10, situé à plus de 120 verges en diagonale. Un épais boisé d’arbres matures d’environ 40 pieds de haut, sur une largeur d’environ 50 pieds, sépare les deux allées de golf. La victime de l’incident réclame 66 000 $ au golfeur, pour compenser ses dommages. Le défendeur reconnait avoir manqué son coup, mais indique qu’il a eu une conduite raisonnable et qu’il ne peut être tenu responsable. Il mentionne avoir crié « fore », terme de golf qui indique aux gens qui l’entendent qu’ils doivent se protéger, dès qu’il a constaté que sa balle se dirigeait vers l’allée du trou numéro 11. Il prétend que les joueurs de golf doivent accepter certains risques en jouant et se défend aussi en invoquant que si une responsabilité doit être engagée pour l’accident, il s’agit de la responsabilité du club de golf, vu la mauvaise configuration des lieux.
LE LITIGE
Le golfeur maladroit est-il responsable des dommages subis par la dame?
LA DÉCISION
La réclamation est accueillie en partie. Le Tribunal accorde à la victime un montant de 41 500 $ que le défendeur doit lui payer.
LES MOTIFS
Il est vrai que les tribunaux reconnaissent qu’une personne qui participe à une activité sportive doit parfois accepter certains risques liés à l’activité, si ces risques sont connus. Dans le présent cas, le Tribunal ne considère pas que madame devait savoir qu’à cet endroit elle pouvait recevoir une balle dans le front. Un large et haut boisé sépare les allées et la probabilité qu’une balle traverse cette zone tampon est faible. Le défendeur, de son côté, a commis une faute. Il est un golfeur expérimenté et de son propre aveu, un long cogneur. Il connaissait bien les lieux. Le coup qu’il a frappé a été maladroit et la balle est allée avec force dans la mauvaise direction. Le Tribunal croit que le défendeur a crié « fore » beaucoup trop tard et que le défendeur a été pour le moins imprudent dans sa façon de jouer. Sa responsabilité est engagée, même s’il n’a pas agi intentionnellement. Il est possible que le club de golf soit aussi responsable d’une partie des dommages, mais le défendeur devra exercer un recours contre lui à cet effet. La demanderesse a droit au remboursement de 500 $ pour ses dépenses reliées à l’accident. De plus, le Tribunal lui accorde 30 000 $ pour perte de salaire, compte tenu qu’elle n’a pu travailler pendant un certain temps, 6 000 $ pour le préjudice esthétique qu’elle a subi, vu la cicatrice au-dessus de l’arcade sourcilière, et enfin 5 000 $ pour les douleurs, souffrances et inconvénients, compte tenu qu’elle est plus sujette aux maux de tête et qu’elle doit parfois prendre des médicaments.
RéférencesGamache c. Dumont, Cour supérieure (CS), Bedford 460-05-000601, 12 novembre 2001, juge : J.-G. Dubois (J.E. 2001-2191; www.jugements.qc.ca)
Code civil du Québec, (L.Q. 1991, c. 64), article 1457.