Vous occupez un emploi dans un service public depuis quelques années. Votre syndicat obtient un vote de grève et quelques jours plus tard celle-ci est déclenchée. Vous êtes ensuite congédié par votre employeur pour avoir participé à une grève illégale. Votre syndicat et son représentant sont-ils responsables de votre licenciement ?
LES FAITS
Trois salariés travaillent pour une compagnie de transport comme chauffeurs d’autocar. Le 25 avril 1995, leur syndicat obtient un vote de grève et cette dernière est déclenchée le 8 mai suivant. Par contre, quelques heures plus tard, le syndicat ordonne à ses membres de reprendre le travail puisque le représentant syndical remarque que le préavis nécessaire dans le cadre du déclenchement d’une grève dans un service public n’avait pas été dûment envoyé. La grève fut déclarée illégale en raison de ce manquement. L’employeur remercie alors les employés ayant participé à l’arrêt de travail, dont les trois demandeurs. Ces derniers décident alors de poursuivre le syndicat ainsi que le dirigeant syndical. Ils allèguent qu’ils ont été entraînés par la faute de ces derniers dans un débrayage illégal. Les salariés réclament donc au dirigeant syndical, ainsi qu’au syndicat, leur salaire perdu, des dommages moraux ainsi qu’une compensation pour abus de droit et atteinte à leur réputation.
LE LITIGE
Le syndicat et son représentant ont-ils commis une faute en omettant de donner l’avis préalable de grève? Si oui, cette faute engage-t-elle la responsabilité personnelle du dirigeant syndical et également celle du syndicat qu’il représente? Les trois employés ont-ils fait la preuve de leurs dommages et celle du lien de causalité entre la faute et les dommages réclamés?LA DÉCISION
L’action est accueillie en partie.
LES MOTIFS
Le dirigeant syndical a admis avoir oublié d’envoyer le préavis à l’employeur avant le déclenchement de la grève, alors qu’il le savait nécessaire. Le juge en vient à la conclusion que ceci constitue une faute et entraîne sa responsabilité personnelle. Comme en vertu du Code civil du Québec le syndicat est responsable de la faute de son représentant, il a aussi une obligation de réparer les dommages causés. Cependant, quant aux dommages réclamés, le juge précise que les salariés avaient l’obligation de les minimiser selon un principe bien connu en matière de responsabilité. Le juge considère qu’ils ont manqué à cette obligation puisqu’ils ont refusé, le 6 juillet 1995, une proposition globale de règlement de leur employeur à l’effet de leur permettre de réintégrer leur emploi. Ainsi, il détermine la perte de salaire comme étant de sept semaines, soit du 8 mai (date du débrayage) au 6 juillet (date du rejet de l’offre de l’employeur). La Cour accorde 2 000 $ à titre de dommages moraux à chacun des salariés. Il rejette la réclamation pour abus de droit et atteinte à la réputation puisqu’il conclut que les défendeurs ne faisaient que dénoncer des faits dans le cadre de leur défense à l’action introduite contre eux. Le syndicat et le dirigeant syndical sont solidairement responsables du versement de ces sommes.
RéférencesBoileau c. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (T.U.A.C.), section locale 50, C.S. (Montréal), 500-05-048672-990, le 4 juillet 2001, juge : Claude Champagne (J.E. 2001-1410).
Code du travail, (L.R.Q. c. C-27), art.111.0.23.
Code civil du Québec, (L.Q. 1991, c. 64), art.1457, 1463 et 1479.