Lorsqu’une personne pose un geste qui a pour effet de détériorer un bien, elle n’engage pas dans tous les cas sa responsabilité pénale même si le geste, en apparence, est volontaire.LES FAITS
L’accusée est séparée de son mari et ce dernier est en couple avec une nouvelle conjointe. À la tombée de la nuit, elle se rend à la marina où son ex-conjoint, son frère et la nouvelle conjointe ont chacun un bateau. Le gardien, qui la connaît, la laisse entrer.
Elle monte sur un voilier de 27 pieds rebaptisé « Folie d’été » dont la propriétaire est la nouvelle conjointe de son ex-mari. Elle se penche par-dessus le bastingage et appose un morceau de ruban cache sur le « i » qui ressemble maintenant à un « l ».
La nouvelle conjointe s’aperçoit de l’incident et contacte les policiers qui, quelques jours plus tard, viennent constater la situation.
En retirant le ruban cache, une partie du « i » a été décollée, la colle ayant probablement adhéré à la lettre en séchant au soleil, ce qui cause le bris.
LE LITIGE
Dans les circonstances, le tribunal doit répondre à la question : « Y a-t-il eu commission d’une infraction criminelle? »
LA DÉCISION
Le tribunal acquitte l’accusée de l’infraction car le poursuivant n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable l’élément intentionnel de l’infraction.
LES MOTIFS
Seule la plaignante a témoigné pour faire part que la lettre « i » était détériorée. Elle a été insultée de la qualification « folle d’été » dont le couple a hérité à la suite de l’incident.
Pour être condamné d’un méfait en vertu de l’article 430 a) du Code criminel, il faut avoir détérioré un bien et volontairement (l’élément matériel est la détérioration et l’élément intentionnel est la connaissance probable qu’un bris surviendra).
La preuve a démontré qu’il y a eu altération du lettrage qui a été perpétré à l’égard d’un bien privé lors d’une intrusion sur le bateau de la plaignante (l’élément matériel de l’infraction est alors prouvé).
Quant à l’élément intentionnel de causer le dommage, il survient lorsque, en accomplissant un acte, on sait qu’il causera probablement un dommage et le tout sans se soucier que l’événement se produise ou non.
Le ruban utilisé par l’accusée pour masquer le « i » est un ruban couramment utilisé par les peintres pour démarquer les contours des surfaces à peindre et est réputé ne pas endommager la surface.
C’est sans doute parce qu’il est demeuré en place plusieurs jours au soleil en attendant que les policiers en fassent le constat qu’une partie du lettrage fut endommagée lorsque le ruban a été retiré.
La conclusion du tribunal est la suivante : « Le tribunal ne peut acquérir la conviction que l’accusée savait, en apposant le ruban adhésif, que le lettrage serait abîmé ou qu’il y aurait une probabilité qu’il le soit lorsque le ruban serait enlevé; tout comme il ne peut non plus acquérir la conviction qu’elle a fait preuve d’insouciance à cet égard ».
Références
R c. Robertson, 2008 QCCQ 156, Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.) Hull 550-01-021547-064, le 10 janvier 2008, juge Jean-François Gosselin (J.E. 2008-376; www.jugements.qc.ca)