LES FAITS
Après une nuit de fête pendant laquelle il avait consommé une certaine quantité d’alcool, l’accusé, un jeune homme de 18 ans, décide d’aller reconduire ses amis. Il ne compte que sept semaines d’expérience au volant depuis l’obtention de son permis de conduire et connait l’état déficient du véhicule. Selon la preuve, il a conduit de manière erratique, zigzaguant et talonnant les véhicules afin de les dépasser.
Finalement, le jeune homme, en doublant un véhicule, a malheureusement frappé latéralement un premier véhicule et est entré en collision avec un deuxième. Le conducteur du deuxième véhicule a été grièvement blessé et un des passagers de la voiture de l’accusé est décédé. Quant à ce dernier, il est demeuré dans le coma pendant une certaine période. L’accusé a plaidé coupable à des accusations de conduite dangereuse ayant causé la mort et de conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles.
Le juge de première instance a condamné l’accusé à une peine de 18 mois d’emprisonnement. Les motifs retenus par le juge de première instance sont :
- la gravité de l’infraction;
- le jeune âge de l’accusé;
- l’absence d’antécédent judiciaire de l’ac cusé;
- l’absence d’influence d’alcool ou de drogue dans cet évènement;
- la blessure de l’accusé;
- l’emploi de l’accusé;
- la paternité prochaine de l’accusé.
Le juge de première instance s’est demandé si on pouvait permettre à l’accusé de purger sa peine au sein de la collectivité conformément au Code criminel.
Le juge a refusé cette possibilité car il a conclu qu’une telle mesure serait incompatible avec les objectifs de dénonciation et de dissuasion reconnus généralement dans notre société et qui se retrouvent dans le Code criminel. Les juges de la Cour suprême, après ceux de la Cour d’appel, se penchent sur cette question.
LE LITIGE
Peut-on, dans ces circonstances, permettre à l’accusé de purger sa peine au sein de collectivité?
LA DÉCISION
La Cour suprême a décidé que, dans cette situation, l’accusé aurait pu bénéficier d’un emprisonnement dans la collectivité même si elle maintient la décision du premier juge.
LES MOTIFS
L’emprisonnement dans la collectivité est une solution au problème du recours excessif à l’incarcération au Canada, pays au deuxième rang au sein des démocraties industrialisées à cet égard. De plus, dans ce type de cause, l’incarcération est inefficace par rapport aux objectifs de réinsertion sociale et aux objectifs publics.
L’emprisonnement dans la collectivité vise à la fois des objectifs punitifs (emprisonnement) et des objectifs de réinsertion sociale (dans la collectivité).Dans cette affaire, les juges de la Cour suprême réitèrent les exigences de l’emprisonnement au sein de la collectivité :
1. Aucune peine minimale n’est prévue au Code criminel pour l’infraction reprochée.
2. Le tribunal doit infliger une peine de moins de deux ans.
3. Le juge doit conclure que ni l’emprisonnement dans un pénitencier (+ de deux ans), ni les mesures probatoires ne sont des sanctions appropriées.
4. Le juge doit être convaincu que l’emprisonnement peut être purgé dans la collectivité et que cette dernière ne serait pas en danger.
5. Le juge doit évaluer la dangerosité du condamné en tenant compte des critères suivants :
- le risque de récidive;
- les antécédents judiciaires;
- la gravité du préjudice découlant d’une récidive;
- la reconnaissance des torts causés aux victimes.
Un emprisonnement dans la collectivité peut être assorti de conditions rigoureuses. L’emprisonnement dans la collectivité permet donc la réinsertion sociale tout en soulignant la réprobation sociale face au crime commis.
Références
R c. Proulx, (2000) 1 R.C.S. 61, Cour suprême du Canada, 31 janvier 2000
Code Crimine, art. 718, art. 742